Vienne, ce jeudi 5 Novembre 1932
Tenant compte de ma notoriété et de mon influence publique, quelques amis me poussent gentiment à me lancer dans la politique. Dans les circonstances actuelles, marquée par la dépression économique exceptionnelle que connaît l’Autriche et devant la montée des périls, il me semble effectivement que je pourrais, à l’occasion, être utile à mon pays. J’ai donc décidé de m’engager.
J’y ai réfléchi depuis quelques semaines. Cependant, il me semblerait malséant de m’exprimer sans avoir mûrement élaboré un programme novateur et réaliste. Dans l’espoir de faire avancer ma pensée, je jette ici quelques pistes qu’il nous faudra ensuite peaufiner quelque peu.
En premier lieu, pour soulager la misère des européens les plus nécessiteux, je suggère d’augmenter les salaires massivement. Il est en effet inacceptable que des familles entières en soient réduites à avoir faim et froid, cela fait le lit de l’extrémisme nazi.
Mais on sait combien l’inflation reprend facilement de l’autre main ce que les salaires accordent de l’une ! Il faut donc bloquer les prix.
Mais quid du chômage massif qui s’est généralisé en quelques décennies de crise ? Eh bien, c’est simple ! Il faut embaucher les chômeurs séance tenante dans les entreprises, qui devront, pour absorber ce surcroît d’employés, augmenter leur production et leurs ventes, ce qui sera encore facilité par la baisse massive des prix de revient, que je préconise. Ainsi, tous les besoins seront couverts et nous pourrons envisager d’augmenter les exportations et de réduire fortement les importations. Le commerce, porteur de progrès, reprendra.
En matière sociale, je suis pour un remboursement intégral des dépenses de santé par la puissance publique, pour une politique sanitaire ambitieuse et pour le paiement des retraites conséquentes à nos aînés méritants. De même, je pense qu’il faut construire plus de logements et à des prix abordables tout un chacun.
Enfin, en matière de politique étrangère, je suis pour la paix et la bonne entente entre les peuples.
Voilà. Je suis assez content de ce programme, que je vais présenter prochainement à mes amis du club que j’ai fondé : « pour une politique originale et novatrice ». En position de force, je pourrai négocier avec le SPD et le KPD, avec Friedrich Hebert et même Staline, moi, Otto Didakt !
Le spectre de la dictature s’éloigne !