L’ « Oiseau de Paradis »

Voici ce qu’on peut appeler un conte de Noël, sauf que cette histoire a vraiment eu lieu en l’été 1863. C’est l’histoire d’une petite fille, Selma, que je vous raconte ici, tout d’abord parce que c’est vraiment une belle histoire, mais aussi parce que ma sœur Ingrid, disparue le 20 Mars de cette année, l’aimait follement. Mon souhait , chers amis, serait que vous la lisiez jusqu’au bout !

La petite Selma, petite handicapée de 5 ans, arrive en barque auprès du grand vapeur Le Jacob, qui a jeté l’ancre au large dans la rade de Strömstad (Suède). La barque se rapproche du flanc du navire. Le père, la mère, la tante de Selma et Mme Strömberg se demandent comment ils vont procéder pour monter à bord, car la petite ne peut pas marcher et encore moins grimper à l’échelle de coupée.

L’Oiseau de Paradis

Ils habitent, depuis quelques semaine, dans la station balnéaire pour faire prendre les eaux à la petite et – qui sait ? – la sauver de la poliomyélite. Depuis 2 ans et demi, le mal s’est déclaré et elle ne peut plus se déplacer que portée dans les bras. Depuis son arrivée à Strömstad, la famille est logée chez Mme Strömberg (la femme du capitaine du Jacob) et celle-ci a promis à Selma de l’emmener à bord pour lui montrer un oiseau merveilleux et mythique : « L’oiseau de Paradis ». Depuis, la petite passe son temps à rêver de cet oiseau.

Et la voici assise dans la barque qui s’approche de l’échelle de coupée. Elle n’en peut plus d’attendre cette rencontre ineffable avec « son » oiseau !

Dès l’accostage, deux matelots du Jabob, deux forts gaillards, descendent dans la barque et l’un d’eux, sans discuter plus avant, enlève dans ses bras l’enfant, gravit prestement l’échelle, la dépose sur le pont et redescend !

Et voilà la petite toute seule sur le pont. Elle attend sagement un bon moment et déjà cherche des yeux l’Oiseau de Paradis ! Au garçon de cabine du Capitaine qui passe par là, elle demande où est l’Oiseau de Paradis. Et l’homme, sans autre forme de procès et dans l’ignorance de sa maladie, prend la petite fille par la main et l’entraîne vite jusqu’à la cabine du capitaine : « Je m’en vais te le montrer ! ».

Selma entre dans la cabine du capitaine et distingue tout de suite l’oiseau, là, posé sur une commode en bel acajou luisant. Une onde de bonheur l’envahit : ça y est ! Elle le voit ! Elle s’avance et grimpe à côté de lui. Un bel et grand oiseau empaillé aux plumes bigarrées. Et ça se voit qu’il vient du paradis : il n’a pas de pattes ! Là-haut, au paradis, pas besoin de marcher, tout le monde vole ! Elle contemple l’oiseau avec recueillement.

Soudain, de grands cris sur le pont : « Selma ! Selma ! où es-tu ? ». Dès que les parents la trouvent dans la cabine, ils lui demandent, surpris et émerveillés : « Mais comment es-tu arrivée jusqu’ici ? ».

A cet instant, Selma se rend compte qu’elle a marché toute seule sur le pont, qu’elle a descendu l’escalier et a couru vers l’oiseau. Et donc, que personne ne l’a portée…

Elle redescend de la commode et montre à se parents comment elle marche désormais !

Les grandes personnes ont les larmes aux yeux et louent les bienfaits des eaux de Strömstad et les faveurs de Dieu.

La petite fille, elle, est plongée dans ses pensées. Elle remercie plutôt ce petit être aux ailes colorées et tremblantes, venu d’un pays où l’on n’a pas besoin de pieds. Nul doute, pour elle : c’est lui qui lui a appris à marcher, ici, sur terre, où il est plus que nécessaire d’avoir des jambes vigoureuses !

***

J’aime beaucoup cette histoire. Elle me parle de la résilience, de la force miraculeuse des rêves, de la guérison par la naïveté. Le garçon de cabine ne savait rien du handicap de Selma. Son regard sur elle était simple et tonique ! (D’ailleurs, en arabe, guérir se dit : regarder). Par son innocence et sa simplicité, il a apporté sa contribution au prodige !

Et la petite Selma Lagerlöf ? (qui deviendra une grande écrivaine jusqu’à recevoir le prix Nobel de littérature en 1909). Elle s’est guérie ce jour là. Elle s’est guérie toute seule par la force de son imagination, par sa passion saisissante et par la puissance symbolique de ses pensées naïves.

Je vous remercie de m’avoir suivi jusqu’à la fin dans ce conte de Noël. Je le prends comme un hommage à Ingrid qui me l’a faite découvrir. Figurez-vous que nous avons fêté en famille son anniversaire des 80 ans à Strömstad en 2018 et que c’est à cette occasion qu’elle nous a raconté cette histoire !

Si vous vous êtes attachés à Selma Lagerlöf, allez lire ses livres : Le merveilleux voyage de Nils Holgersson et surtout ses mémoires : Mårbacka (chez Actes Sud). En matière de résilience, allez voir sur ce site Une poupée SDF.

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27 Replies to “L’ « Oiseau de Paradis »”

  1. Virginie MOCORREA

    Quelle magnifique histoire je découvre aujourd’hui en revenant voyager par ici !
    J’ai dessiné il y a peu un oiseau bleu de la liberté, je remarque aujourd’hui qu’il n’a pas de pattes …Il est sans doute aussi un oiseau du Paradis ! Il sera bientôt une peluche…elle pourrait accompagner la lecture que je pourrais faire à des enfants de ce conte… J’aime cette idée…

    Enfant j’ai adoré le dessin animé Nils Holgersson et les oies sauvages, je m’en souviens aujourd’hui … A relire/revoir car j’en ai peu de souvenirs.

    Merci Bertil pour ces parteges inspirants /reliants !

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    1. Bertil Sylvander Post author

      Merci Virginie, Oui, cette histoire devrait être racontée aux enfants qui doutent d’eux-mêmes ou qui sont malades ou en situation de handicap, en leur rappelant que la petite fille dont il est question dans cette histoire, Selma Lagerlöf, a obtenu le prix Nobel de Littérature en 1913 !

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  2. correge

    Un beau conte . J ‘ai marché un instant sur les traces de Selma, songé à l’oiseau du paradis, dans la lumière d’Ingrid.
    Merci Bertil pour ce partage touchant
    Sabine

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  3. Anonyme

    Merci Bertil. Je suis touchée parce que j’ai eu la polio moi aussi et je n’ai pas eu la chance de rencontre l’oiseau de paradis. Mais j’ai eu la chance aussi de marcher malgré le handicap. Je suis touchée par cet instant magique où, prise par son désir de voir l’oiseau, elle oublie elle-même son handicap. C’est beau. Merci aussi de rendre hommage à Ingrid à travers ce conte. J’ai envie de croire qu’elle est entourée d’oiseaux et qu’elle sourit en écoutant l’histoire dans ton salon ardent. Bisous à toi et à Pascale et Michel. Meilleurs voeux pour cette nouvelle année 2021
    Rabia,

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    1. Bertil Sylvander Post author

      Merci Rabia pour ce témoignage. Je pense que toi aussi, tu as su croire en toi-même. Et Bonne Année à toi aussi, malgré tout … l’espoir !

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  4. Christine Golay jay

    Bonjour Bertil,
    Merciii c’est très beau et la magie c’est bien l’âme qui agit…c’est génial
    La culture du rêve qui devient réalité puisque selon certains physiciens quantiques nous créons notre réalité par la pensée qui crée…donc le rêve, j’en suis sûre, créer tout autant. C’est Einstein qui disait que la Force de l’habitude est la Force la plus puissante de l’Univers ! Alors rêvons ce Monde nouveau puisque celui ci s’ecroule.
    Je vous souhaite plein de douceur et de joie dans ce pas-sage à 2021.
    Becs à Pascale aussi

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  5. Lucian Barbaroux

    Mon fils Jean m’a retransmis ce conte. Merci à lui, pour ce plaisir. Me voici ramené par l’oiseau de paradis à l’enfant passé, qui, enfoui, s’est réveillé quelque part sur le dos d’une oie – sans doute la même que celle de Nils…. Par la grâce de Selma. Ce réveil est un rêve. Il me ramène aussi à la Scandinavie chère au coeur de mes vingt – vingt cinq ans.
    Grand merci, Bertil, pour ce conte réel !

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    1. Bertil Sylvander Post author

      Je suis très reconnaissant à ce cher Jean de vous avoir envoyé le lien vers mon site ! Oui, le monde de Selma Lagerlöf est fascinant. Lisez ses mémoires « Mårbacka », aux éditions Actes Sud : vous y retrouverez ces émotions. Avez vous connu la Suède ? Votre réaction me donne envie de plus publier de textes sur la Suède, où j’ai habité. Bien amicalement, Bertil

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  6. Chantal Roche

    Merci Bertil pour cette belle histoire rafraîchissante.
    Bonnes fêtes à vous deux. Portez vous bien. Grosses bises. Chantal

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  7. saule ryan

    Merci beaucoup Bertil pour cette belle histoire. Preuve qu’avec l’imagination tout est possible!

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  8. Nathalie de Champagne

    Très joli conte Bertil.
    Il est bon d’y croire.
    La magie de l’esprit nous aide dans ce que nous traversons tous.
    Le regard de l’un n’est pas le regard de l’autre et c’est ainsi que la petite fille a marché.
    Portons donc un autre regard sur la vie.
    Je t’embrasse sans oublier Pascale.
    J’ai une pensée pour Ingrid aussi.
    Nos chers disparus continuent à vivre à travers tout ce qu’ils nous ont laissé. Ingrid t’a laissé ce conte pour nous faire passé un joli message.

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  9. Véronique Hahn

    C’est vrai que c’est vrai ?
    Ingrid y croyait vraiment et moi j’étais épatée quand je l’ai écoutée.
    Baci à vous tous de la Robin après un Noël sans doute très particulier, VH

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    1. Bertil Sylvander Post author

      Dans ses mémoires, Selma Lagerlöf y croit car ça lui est arrivé ! Il y a des mystères inexplicables. Je m’imagine que la petite était dans un environnement familial où tout le monde la voyait handicapée (ce qu’elle était). Ca joue peut-être dans la permanence du handicap ? se conformer inconsciemment à l’image qu’on attend de moi ? Mais deux choses extraordinaires sont arrivées ce jour là : ce marin qui n’était pas au courant (du coup, il lui parle comme à une petite fille normale, ce qui lui donne peut-être l’impulsion de le redevenir !?!) et cette foi enfantine dans le pouvoir surnaturel de l’oiseau. Que ces deux choses arrivent en même temps, Est-ce cela qui est magique ?! Comme l’écrit Henri Miller dans « Le Colosse de Maroussi », la magie c’est de « faire la chose juste, au moment juste et au lieu juste » …
      Oui, Noël particulier qu’on a a fêté dans une maison louée dans la Drôme, pour ne pas le faire à La Robin comme c’était l’habitude. Il faut savoir briser les habitudes ! Merci de tes bacis et à bientôt, j’espère ! Bertil

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  10. Saule

    Merci beaucoup Bertil pour cette belle histoire. Il ne faut jamais douter du pouvoir de l’imagination n’est ce pas !

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  11. Alice Hachet

    Merci Bertyl pour cette bien jolie histoire, les rêves sont bien plus puissants que ce qu’on nous dit, ils nous permettent de construire un monde meilleur pour soi et les autres, ils nous poussent à nous relever et à devenir nous mêmes! Ils sont bien réels!
    Bises depuis Bordeaux

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  12. Anonyme

    Merci Bertil pour cette belle histoire, d’oiseau, de paradis, et d’Ingrid !
    Joyeux Noël à vous tous !
    Michèle

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  13. Christophe Sylvander

    Merci Bertil; c’est une très belle histoire à lire le matin de Noël. Bon bout dans à tous ceux de la Robin et les autre.
    Christophe et famille, au pays de Selma.

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  14. Jean-Marie Combelles

    Merci pour cette découverte, Bertil.
    Bonne fêtes de fin de 2020 et que vienne vite 2021…
    bises
    Jean-Marie

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  15. j-claude VIOU

    Quel cadeau tu me/nous fais Bertil, ce 25 Décembre 2020, alors qu’il neige dehors….!!! Merci infiniment à toi pour ce très beau partage… Je vais à mon tour lire ce conte, ce jour, à nos enfants et à nos 3 petites filles.
    Je te souhaite à mon tour un beau et bon Noël. Transmets mon amitié à Pascale s’il te plait. Je t’embrasse affectueusement.
    Jicé

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    1. Catherine Vitale

      Magnifique lecture très agréable pour Noël il me tarde un petit enfant pour lui lire mais j ai eu le plaisir de le lire à ma grande fille un grand merci et des bizous de noel

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