Film qui a eu un succès incroyable, principalement me semble-t-il à cause du changement de regard sur Philippe, personne porteuse de handicap, tétraplégique, qui recrute un aide familial (Idriss) pour tous les actes quotidiens.
Film connu (trop connu ?) pour la réplique « pas de bras, pas de chocolat » : Idriss est tellement « décomplexé » vis à vis du handicap qu’il ne montre pas de « pitié » pour Philippe. Il se contente de vivre avec lui tout simplement. C’est même pour cela qu’il a été recruté (Philippe en avait assez des postulants compassés).
Après le film, le grand public a cru que c’était facile à faire : « il suffit de se fiche de la figure des personnes porteuses de handicap pour revendiquer de s’être « libéré du problème », un peu d’humour que diable ! Mais ce n’est pas si simple et tout le monde n’est pas comme Idriss. Du coup, ces attitudes simplistes sont souvent affligeantes. Encore une fois on croit que la relation humaine repose sur des recettes.
Et puis on oublie que ce film est beaucoup plus subtil et riche que le résumé navrant qu’on en fait souvent. J’ai été sensible, par exemple, au côté « Fou du Roi » d’Idriss, qui débarque dans ce milieu pétri de bonne manières. Sa simplicité, son côté entier, sa générosité directe bouleversent les codes. La séance de Grande Musique dans le salon de Philippe est un chef d’oeuvre de subversion ! Ca ne vous rappelle pas la clownanalyse ?
Comment remonter après un tels choc de vie ? Mystère absolu ! Mais quelques pistes pour comprendre : Le Lambeau, La perle,
Une vie bonne à tous et à toutes !
Bertil
Merci Claude de cet éclairage nouveau. Effectivement, j’imagine que le bouquin n’a pas la même saveur, comme souvent. Comme tu sais, je suis moi aussi très sensible aux limites du rire… Grande question ! « On peut rire de n’importe quoi, mais pas n’importe comment » ou « pas avec n’importe qui ». OK. je me souviens, en stage, d’avoir mis les limites au rire « efficace ». Le public riait du contraste entre un grand personnage et un personnage tout petit, joué à son insu par une personne de « petite taille » (et à son détriment).
Dans « intouchables », j’ai quand même senti la grande fragilité de Philippe, le personnage handicapé (joué par François Cluzet) et sa vie tragique (peut-être pas assez montrée ?), mais j’ai senti aussi qu’il en avait marre des aides soignants compassés et qu’il aimait vraiment cette vraie simplicité de Driss. Qu’aurait-il fallu ajouter pour que le public sente cela ? Effectivement, je n’ai pas eu envie de pleurer en regardant ce film. Mais j’ai perçu ce que pouvait être la vie de Philippe.
En tous cas, merci de cet avis nuancé, qui me fait avancer dans ma réflexion.
Paradoxalement, j’ai passé un bon moment à voir Intouchables, et puis après coup j’avais comme un gout amer dans le cœur. J’ai lu le livre et j’ai compris ce gout. Le film nous évite à sentir le tragique de cette vie, de ce handicap là, ce à quoi n’échappe pas le livre (écrit par la personne elle même victime de cet accident irréversible).
Rire oui, bien sûr, mais pas aux dépens d’un évitement, celui de la vie dans ses coups les plus lourds. Rire pour moi est toujours suspect, s’il n’est pas accroché à 2 autres verbes aussi fondamentaux : pleurer et penser (l’altérité notamment).