James C. est écossais, et maintenant il est aussi mon ami.
Je l’ai trouvé en farfouillant sur internet, à la recherche d’informations sur JOHN M. mon arrière-grand-père à la vie romanesque, fin du 19ème siècle.
John, c’était un irlandais fougueux et entreprenant qui était parti tenter sa chance au Mexique, dans les plantations de café et la chasse aux orchidées, puis au Guatemala, où il s’était occupé, entre autres entreprises, de l’aménagement du port de San José. Il avait rencontré là-bas Bénonie et l’avait épousée.
Bénonie était la fille d’un baron français, exilé au Guatemala avec son frère et sa mère lors d’une révolution française, et de sa professeure de piano, Elisa D.
John fit si bien au Guatemala, donna une telle expansion au port de San José, se fit tant d’amis et recueillit une telle estime en Amérique centrale, qu’il fut nommé consul d’Angleterre au Guatemala. Mais sa réussite et ses bonnes relations avec le gouvernement guatémaltèque excitèrent la jalousie d’un commandant local qui envoya des hommes armés pour lui tendre une embuscade. Pris, il reçut 200 coups de fouets et aurait été mis en pièces sans l’intervention d’un détachement de soldats du gouvernement. Offensée à travers son représentant, la Couronne britannique envoya deux destroyers, canons braqués sur le port de San José, pour demander réparation. Une somme d’un million de livres sterlings fut versée, dont la moitié à la Couronne d’Angleterre, l’autre moitié à John, mon arrière-grand-père, qui devint ainsi très riche, acheta des plantations de café au Guatemala et au Mexique, et s’installa dans une grande propriété à Paris, avec famille, domestiques, chevaux, calèches…
Malheureusement, au cours d’un voyage, il mourut à San Francisco, où il fut enterré. Bénonie, sa femme, mon arrière-grand-mère, mourut deux ans après lui, et Willie, leur fils mourut un an plus tard, laissant orphelines deux filles non majeures, Jane, ma grand-mère et Lizzie sa sœur, qui furent entièrement dépouillées de leur fortune et de tous leurs biens par leur tuteur (un « ami » de la famille) et par les avocats.
Cherchant donc, sur internet, des traces de la vie incroyable de cette branche de mes ancêtres, j’ai trouvé James C., écossais, qui, sur son blog, relatait la vie de son arrière-grand-père George C, grand spécialiste des insectes, qui, voyageant en Amérique Centrale à la fin du 19ème siècle, avait été hébergé chez John M. mon arrière-grand-père. Et James, sur ce blog, racontait comment l’agression dont avait été victime John M. lui avait valu une immense fortune.
Et voici maintenant la plus belle coïncidence !
Ayant réussi à entrer en contact avec James, je communiquai avec lui, par téléphone et courriels, et j’appris sa venue à Vannes au moment précis où je me dirigeais vers le Morbihan pour les vacances. Nous nous retrouvâmes aux alignements de Carnac, où nous fîmes connaissance au cours d’une longue promenade, pendant laquelle, au fil des pierres dressées vers le ciel, nous égrenâmes les 140 ans qui s’étaient écoulés depuis que nos aïeuls respectifs avaient parcouru ensemble l’Amérique Centrale et où le sien se faisait adresser son courrier chez le mien.
La conversation entre nous fusait comme si nous nous étions toujours connus, et à la fin de l’après-midi, nous étions amis.
Il se mit à pleuvoir, et nous nous réfugiâmes dans une crêperie carnacoise pour nous remettre de nos émotions et du mauvais temps.
Une crêpe, deux crêpes, encore des bavardages, pour retarder le moment de la séparation…
A la table voisine une femme se leva et quitta sa place ; soudain, je vis James fixer intensément la chaise qu’elle avait laissée vide, et l’entendis dire : : « My God ! Look at that ! »
Les coussins sur lesquels nous étions assis étaient recouverts d’une toile de jute où était écrit : cafés du Guatemala.
Une autre histoire de coïcidence ? Garance, viens t’asseoir !