En fin d’année 2018, avec quelques amis, nous avons renouvelé l’idée de faire du « Tourisme Amical et Culturel » … Et TAC !
L’an dernier, nous avons passé quelques jours dans la même maison autour de Pagnol : excursions dans le massif du Garlaban (où il passait enfant ses journées d’été), visite du « Château de ma mère », lecture d’extraits de livres, visionnage en commun de films de la série Pagnol (« La fille du puisatier », « Manon des Sources », etc.).
Et cette année, Cézanne !
Visite de son atelier, excursion dans le massif de la Sainte Victoire, lecture de « L’œuvre », d’Emile Zola et…. Visionnage du film « Cézanne et Moi », de Danielle Thompson, avec Guillaume Gallienne en Cézanne et Guillaume Canet en Zola.
Film magnifique, tout en délicatesse et en images époustouflantes, qui retrace ce sale caractère de Cézanne, qui, éternel refusé à Paris (« Je suis le plus refusé des refusés » !) a continué sa route malgré tout et malgré tous. Fâché avec pas mal de monde, dont son père banquier, il peint comme il le sent, de manière très besogneuse, très lente, très « nouvelle ». Pas vraiment impressionniste et pas encore moderne, Picasso dira de lui : « C’est notre maître à tous ».
Quand le film commence, Cézanne vient voir Zola qu’il n’a pas vu depuis longtemps. Celui-ci vient de sortir son livre « L’œuvre ». Cézanne est persuadé que Claude Lantier, le peintre, héros du roman, c’est lui. Un peintre « raté » qui poursuit une chimère toute sa vie et se suicide. Roman très beau et très dur. Zola a beau lui expliquer que c’est une fiction, Cézanne se fâche, pleure, hurle : « c’est comme ça que tu me vois ? ».
De là date la dispute fatale entre eux, après une vie d’amitié que le film raconte. Film tragique dans lequel la peinture est la troisième héroïne : on voit Cézanne s’échiner, travailler, casser, déchirer et créer ses immenses chef-d’œuvres, à coup de sueur, de colères et de chagrins. Les portraits, bien sûr, les natures mortes, les paysages de l’Estaque et, évidemment, la Sainte Victoire !
Nous avons parcouru à Noël cette nature fascinante, boisée de pins plantés dans la terre rouge, nous avons pénétré dans les tableaux de Paul ! La Sainte Victoire était là …
En même temps, j’ai lu le livre de François Gantheret « Petite route du Tholonet ». Le livre d’un psychanalyste qui essaie de comprendre qui il est, qui est la femme dont il s’est séparé et c’est sur les pas de Cézanne qu’il avance pour y arriver.
(p. 61) Jamais peut-être autant que dans cette première apparition la montagne n’a eu aussi exactement cette chair blanche qui est celle de Bethsabée, des baigneuses, d’Olympia, de toutes les femmes qui hantent ses toiles, de la femme qui depuis toujours le fascine et le terrifie. Terreur blanche, tranchant mortel du désir en deçà de tout accomplissement possible […] mais la couleur, pour Cézanne, ce n’est pas cela, elle n’est pas appliquée sur le monde, les arbres, les rochers, les corps, les fruits en aimable parure. La couleur est première et c’est d’elle que naît la forme.
Lorsqu’après une vie de travail et de solitude (il n’a été reconnu que grâce au critique d’art Ambroise Vollard, dans les toutes dernières années de sa vie), il peint encore en pleine nature, on annonce que Zola est en ville, à Aix. D’abord indifférent, Cézanne hésite, puis se décide et il « dévale » comme il peut la colline (il a plus de soixante ans) et se rapproche de Zola, écrivain célébrissime entouré de sa cour. Il est sur le point de sa manifester quand quelqu’un pose la question à Zola : « Et Cézanne ? ». Celui-ci, qui est dans la foule, arrête son mouvement vers la réconciliation et attend la réponse. Zola : « Cézanne, hélas, est un génie avorté ». Le peintre reçoit cette phrase en plein cœur. Tout au long de cette scène, on voit le visage de Guillaume Galienne en gros plan. Et on voit toutes les émotions passer dans une expression prodigieuse de subtilité. Rien que pour cette scène, il faut voir le film.
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Pourqui pas un R.I.C. pour leprochain T.A.C.?