J’étais invité pour quelques jours en Alsace, chez mes ex-futurs beaux grands parents (c’est-à-dire, les grands parents de mon ex-future).
Nous arrivons en voiture le Samedi soir assez tard et garons la voiture dans une cour de ferme. La petite maison est plongée dans l’obscurité. A peine avons-nous frappé à la porte que tout s’allume et nous voici accueillis par un concert d’exclamations en franco-alsacien et en alsaço-français.
Katel et Güscht, les deux grands parents, visiblement heureux, nous reçoivent avec force accolades et embrassades.
Puis la question fuse : « affez-vous tîné ? ». Après quelques minutes, je comprends enfin ce qu’on veut de moi et j’affirme que oui, nous avons dîné sur la route. Suivent un froncement de sourcils et un air soupçonneux et je reçois une bourrade discrète dans les côtes flottantes. En effet, à quelques pas de l’entrée, se dresse devant nous une grande desserte abondamment garnie. Pas question d’y échapper et nous voici à table.
On commence bien sûr par des Köningin Pastete, arrosés de Riesling et on continue par des Brotwurst et des Landjäger. Après ces entrées, qui commencent de m’achever, il y a le plat de résistance : le fameux Flammenküche et les Fleichschnakas, avec de la bière traditionnelle Météor. Enfin, l’inévitable Kouglopf, avec du Gewürtztraminer et pour terminer diverses eaux de vie de petits fruits.
Là, ça y est, je le suis, achevé. Pendant tout ce repas, à part les nouvelles de la famille, données et reçues rapidement, dans un idiome incompréhensible, les deux grands parents s’interrompent souvent pour s’attraper vertement et mutuellement. J’ose demander discrètement à ma compagne Marikel : « de quoi s’agit-il ? ». Elle me répond dans le creux de l’oreille qu’ils discutent du menu du lendemain midi.
Et en effet, la matinée se passera pour eux à la cuisine. Et à midi pétante et dans un gémissement étouffé, je vois arriver sur la table, qui pourtant n’en pouvait plus, des Sparguels accompagnés de Bibeleskäs, puis des Edelszwicker et évidemment, puisque nous sommes Dimanche, les célèbres Gebackener Karpfen, dans leur nid de Bauerspeck et de Nudel (ou Leberlösschen, autrement dit les Knepfle bien connus !), arrosées de Riesling. Après le Münster et le Bergkäs, revoici un Kouglopf tout neuf ! (d’où sort-il çui-là ? On m’a pourtant obligé à terminer celui d’hier !). Et pour terminer, quelques schnaps.
Mais voici l’heure de la sieste ! Pour nous, elle est chargée et pénible. Les deux grands parents, en ce qui les concernent, s’effondrent sur les deux fauteuils du salon et ronflent de conserve.
Las ! Hélas ! Très – trop ! – rapidement, Katel se réveille et interpelle son mari en ces termes : « c’que ttu ppeux être appatu, toi ! ». En effet, il faut séance tenant se mettre à confectionner le dîner, dont on avait abondamment parlé pendant le déjeuner, bien sûr (comme ça, on sait où on va). Et comme c’est Dimanche soir, on mangera léger : Bäckeoffe, Sauerkraut et évidemment un troisième Kouglopf, arrosé de crémant d’Alsace.
Par une habile manœuvre de retraite, menée dès l’aurore le lendemain matin (avant le petit déjeuner), nous avons quitté la maison sur la pointe de pieds (surchargés) et sommes revenus sains et sauf à Paris.
Que retirer de cette expérience assez étonnante et presque surnaturelle ? Que certains seniors mangent copieusement ? Peut-être… Que la gastronomie alsacienne est excellente ? Egalement ! Que les grands parents aiment beaucoup leurs petits enfants ? Propaplement !
Mais plus sûrement encore, que je dois ma belle forme actuelle à ma séparation d’avec Marikel.
Cela se passait effectivement comme cela avec nos grands-parents dans les campagnes, mais aujourd’hui tout s’est « modernisé » et on mange beaucoup, beaucoup moins !
Ton histoire m’a fait sourire car j’ai vécu la même chose lors d’un mariage il y a 60 ans !!!
ah jo Bertillele ! La place du bien recevoir et de l’alimentation chargée est toujours d’actualité, mais tout de même moins lourd que cela aujourd’hui
Bien à toi, bise