Mon bébé et moi, à l’aube de l’humanité – extrait des « Plaisirs du sens » de Bertil S.

Je vais maintenant vous raconter mes vacances de l’été 1975, avec toutes mes diapos… Non-non, soyez tranquilles, je vais me contenter d’une petite anecdote sur l’alimentation, comme à l’accoutumée.

Cet été-là, je suis dans le Nord de la Suède, dans ma belle-famille et mon épouse, notre bébé (une adorable petite fille d’un an) et moi avons l’occasion de passer quinze jours sur une île minuscule de l’archipel situé tout au Nord de la mer baltique, entre la Finlande et la Suède.

Après nous être soigneusement équipés, nous embarquons à bord du canot à moteur de Karl-Erik, le propriétaire de l’île. Le temps est beau, l’air est frais, l’écume est blanche et tout va bien. Après une traversée d’une heure, nous abordons sur l’île de Riskilö (vous pouvez aller vérifier sur la carte).

C’est une petite île d’environ deux cent mètres de diamètre : on en fait tranquillement le tour en un quart d’heure. Elle est constituée de rochers de granit, de quelques plages de sable et d’un petit monticule boisé de hêtres, d’aulnes et de pins. Sur la côte Sud, une maison en bois rouge, flanquée d’une hutte qui fait office de Bastu (le bain chaud des suédois) ainsi qu’une cave souterraine qui sera notre frigidaire : en plein été, elle est encore pleine de la glace de l’hiver précédent. C’est là que nous entreposons nos denrées périssables.

Après quelques recommandations, Karl-Erik repart avec son canot : nous sommes seuls. Certes, nous avons des provisions pour quinze jours, mais il ne faut pas gaspiller.

Et j’ai une canne à pêche : c’est le moment de s’y mettre ! Dès le soir, me voici assis dans une petite barque en train de pêcher. La mer Baltique est poissonneuse et je ne tarde pas à avoir quelques perches et surtout un magnifique brochet, destiné immédiatement au dîner de la famille et tout particulièrement à celui du bébé.

Nous, jeunes parents, avons l’illusion naïve et romantique d’habiter sur une île déserte et de vivre aux premiers temps de l’humanité. Dans ces conditions, vous ne pouvez pas imaginer la satisfaction que l’on éprouve à apporter, immédiatement et généreusement, le produit de sa pêche à sa progéniture, pour qu’elle vous survive et qu’elle perpétue l’espèce !

Le brochet à peine sorti de l’eau, on le vide, on le met sur les braises, devant la hutte, on le découpe en petits morceaux et on le donne directement au bébé ! Existe-t-il circuit plus court et mieux employé à l’avenir de l’humanité ? A part la canne à pêche, dont je ne veux pas vous cacher qu’elle est en fibre de verre et pourvue d’un moulinet silencieux, peut-on concevoir situation plus primitive, alors qu’on est à quelques kilomètres d’un pays où s’épanouit une des filières agro-alimentaires les plus industrialisées du monde ?

Je vous assure qu’au moment où le bébé ouvre la bouche et avale votre poisson, vous êtes le roi du monde.

Ce poisson n’est pas un « produit alimentaire », c’est mon travail, c’est ma fierté, c’est mon amour. A vous de jouer, les psychologues de l’alimentation !

Pour lire « Les plaisirs du sens » dans sa totalité, télécharger le pdf : Les plaisirs du sens
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