« Le Marabout », un sublime « Saint » local

Le Marabout, personne ne sait d’où vient son nom. En fait, il s’appelait Akli. Mais tout le monde l’appelait « le Marabout ». Et effectivement, comme un Saint homme local, il était respecté et aimé de tous les gens du quartier de Raïs Hamidou, près d’Alger.

Pieux, paisible et simple, il saluait chacun avec intérêt et rendait la justice lorsque des différents opposaient deux personnes ou deux familles.

(Photo : Vivianne Sylvander)

Il habitait un gourbi, maison de terre et de briques de paille, dans la colline au-dessus de la maison de mes grands parents.

Il cultivait avec art un demi hectare de terrasses, qui s’échelonnaient sur la colline et avait mis au point un système d’irrigation très élaboré, car il avait une vraie science de l’eau : bassin régulateur tout en haut et réseau complexe de rigoles qui faisaient mon admiration.

Eh bien, avec ce jardin luxuriant établi sur des pentes arides, il arrivait à nourrir une grande famille de plus de 10 personnes et il lui en restait pour aller au marché vendre son surplus et acheter l’indispensable.

On le voyait parfois descendre lentement le chemin jusqu’à la route en bas, avec son couffin de légumes ou remonter avec un outil qu’il venait de faire réparer. Il s’arrêtait chez mon grand père Octave dont il était un grand ami et ils évoquaient la guerre, qu’ils avaient faite ensemble. Ils y avaient tous les deux perdus leur avant bras, lui le droit et Octave le gauche ! Cette infirmité commune instaurait une complicité très profonde, que nous, enfants, pressentions et constations. Deux hommes aussi semblables, ça ne peut pas être l’effet du hasard.

Parfois, en évoquant son bras manquant, il me montrait les gestes à connaître absolument quand on manie le fusil à baïonnette : coup d’estoc en avant, coup de crosse en arrière ou vers le haut. Ça ne m’a pas beaucoup servi dans la vie, mais je m’en souviens au cas où.

Dès qu’Octave avait besoin de quelque chose pour la maison, pour le jardin ou pour ramener la paix dans le quartier, le Marabout était là. Sa parole était forte et jamais Octave ne la mettait en doute… Cela occasionnait pour nous des punitions bien senties, lorsque le Marabout n’était pas content de notre comportement et qu’il s’en plaignait à son ami (il arrivait aussi qu’il nous batte à coup de … rameau d’olivier !). Le marabout était-il devenu le « bras gauche » du grand père ? Ou ce dernier, son « bras droit » ?

Ses enfants étaient nos amis et on se respectait : Mouloud, le bricoleur, Mama, qui cousait, Slimane, mon compagnon de jeux, Abd El Hamid, qui s’occupait de la vache. Marabout, lui, élevait une chèvre qui habitait dans une grotte de la colline (voir photo !).

Le Marabout est mort en 1992, bien longtemps après Octave, disparu en 1961. Nous étions tous en France et n’avons pas pu aller à son enterrement. Heureusement, notre ami Nono a pu y assister. Allez lire son reportage ….

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3 Replies to “« Le Marabout », un sublime « Saint » local”

    1. Bertil Sylvander Post author

      Oui, J’imagine ta fierté, Khélil ! En plus d’être l’homme que j’ai décrit, j’imagine que pour vous, c’était un vrai grand père à l’ancienne, sévère avec un coeur d’or ?
      J’espère te rencontrer pour parler de tout ça, lors ‘un prochain voyage à Alger ?

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  1. Jacotte

    Allez, un petit coup de nostalgie ça fait pas de mal, surtout si le vent de la mer vient nous caresser un coin de frimousse- Merci Bertil pour cet avant goût d’évasion!
    Bises

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